Les neurosciences ont la cote. Depuis quelques années, elles s’invitent dans tous les domaines : marketing, éducation, management… et bien sûr, formation professionnelle. Mais au-delà des effets de mode et des promesses parfois floues, une question essentielle se pose : les apports des neurosciences peuvent-ils réellement transformer l’apprentissage en entreprise ?
S’agit-il d’un levier puissant d’efficacité pédagogique ou simplement d’un gadget conceptuel qui brille sans vraiment impacter le terrain ?
Dans cet article, on plonge dans le cerveau pour éclaircir ce débat. Entre mythes populaires, principes validés par la science, exemples concrets d’application et enjeux pour les formateurs, faisons le point.
I. Ce que les neurosciences apportent (vraiment) à la formation
1. Comprendre comment le cerveau apprend
Les neurosciences étudient le fonctionnement du système nerveux, dont le cerveau. Lorsqu’on les applique à l’apprentissage, on parle de neuroéducation ou neuroapprentissage.
Ce qu’on apprend grâce aux recherches :
- 🧩 Le cerveau aime les connexions : l’apprentissage est plus efficace lorsqu’il s’appuie sur des connaissances existantes (ancrage cognitif).
- ⏳ La mémoire est fragile : sans répétition, 80 % des informations sont oubliées en moins d’une semaine (courbe de l’oubli d’Ebbinghaus).
- 🚀 L’attention est une ressource limitée : un adulte perd sa concentration après 10 à 15 minutes, d’où l’importance des formats courts et variés.
- 🧠 Les émotions favorisent l’ancrage : un contenu émotionnellement marquant est mieux retenu.
2. Des fondations scientifiques à la portée des formateurs
Contrairement à certaines disciplines ésotériques, les neurosciences s’appuient sur des bases empiriques solides, issues de l’IRM, des électroencéphalogrammes et des tests cognitifs.
Appliquer ces connaissances ne demande pas d’être neurobiologiste, mais de :
- Penser en séquences courtes
- Activer la mémorisation espacée
- Créer de l’interaction pour stimuler l’attention
- Introduire des émotions, de la surprise ou de l’humour dans les supports
II. Neurosciences et entreprise : effets de mode ou pratiques concrètes ?
1. L’effet « neuro » : un argument marketing devenu fourre-tout
Nombreuses sont les plateformes qui se revendiquent aujourd’hui « basées sur les neurosciences » sans expliquer ni prouver ce qu’elles veulent dire.
👉 Cela crée un flou, voire une méfiance.
On assiste à un phénomène de neuro-washing, comparable au greenwashing en RSE. Un discours pseudo-scientifique mal utilisé peut desservir la démarche pédagogique.
2. Là où ça fonctionne : exemples d’application réelle
Malgré les dérives, certaines entreprises et plateformes ont su intégrer intelligemment les apports des neurosciences :
✅ Exemple 1 : Air France
Leur département formation a intégré la mémorisation espacée (spaced learning) dans les modules e-learning techniques pour réduire les erreurs opérationnelles sur le terrain.
✅ Exemple 2 : Docebo (LMS)
Intègre une IA qui adapte les parcours d’apprentissage en fonction de l’analyse comportementale des apprenants (temps de concentration, rythme, types de contenus préférés).
✅ Exemple 3 : L’Oréal
Formations digitales orientées soft skills, avec des formats narratifs et immersifs qui activent l’émotion (vidéos interactives, storytelling).
III. Les principes neuro-friendly à intégrer dans les dispositifs L&D
Voici une synthèse des principes validés qui méritent d’être appliqués dans toute stratégie de formation sérieuse :
🔄 1. La répétition espacée (spaced repetition)
Permet de contrer la courbe de l’oubli. Cela implique de revoir un contenu plusieurs fois à des intervalles précis (ex. : J+1, J+3, J+7).
🎯 2. L’effet de test (testing effect)
Faire pratiquer, poser des questions, utiliser des quiz booste la rétention plus que la lecture passive.
🧠 3. L’encodage multi-sensoriel
Mélanger texte, image, son, vidéo active plusieurs zones du cerveau → meilleure assimilation.
🤝 4. L’apprentissage actif
Favoriser les échanges, la collaboration, la mise en situation (learning by doing), car le cerveau apprend mieux en expérimentant.
😲 5. L’émotion
L’émotion (positive ou négative) renforce la mémorisation. Le storytelling est donc une arme pédagogique puissante.
IV. Les erreurs à éviter quand on veut “faire des neurosciences”
❌ 1. Croire qu’il existe un « style d’apprentissage » propre à chacun
Aucune étude scientifique n’a prouvé que les apprenants visuels, auditifs ou kinesthésiques apprennent mieux quand leur style est ciblé. C’est un neuromythe courant.
❌ 2. Simplifier à l’extrême
Penser que « activer le cerveau droit = créativité » ou « le cerveau fonctionne à 10 % » sont des raccourcis faux et datés.
❌ 3. Surcharger le cerveau
Trop d’infos d’un coup = surcharge cognitive. Il faut doser l’information, structurer et laisser du temps à la consolidation.
V. Pourquoi intégrer les neurosciences dans sa stratégie de formation aujourd’hui ?
✅ Pour améliorer l’engagement et la rétention
Une formation qui respecte le fonctionnement naturel du cerveau est plus agréable à suivre et mieux retenue.
✅ Pour concevoir des parcours plus efficaces
En intégrant ces principes dans l’ingénierie pédagogique, on améliore le ROI de la formation.
✅ Pour se différencier
Une entreprise qui utilise les neurosciences de manière authentique peut renforcer sa marque employeur et son attractivité.
VI. Comment commencer concrètement ?
🎯 1. Former les formateurs internes
Même une courte initiation aux bases des neurosciences appliquées permet de transformer les pratiques.
📚 2. Réviser les formats pédagogiques
- Passer de longues vidéos à des capsules courtes
- Ajouter des quiz après chaque module
- Espacer les rappels via des notifications ou micro-contenus
🔧 3. Utiliser les bons outils
Choisir un LMS ou une plateforme qui permet :
- Le microlearning
- La personnalisation des rythmes
- L’intégration de quiz, stories, vidéos courtes
- La planification de rappels
Conclusion
Les neurosciences ne sont pas une baguette magique. Mais appliquées avec rigueur et bon sens, elles peuvent réellement améliorer la qualité de la formation professionnelle.
Il ne s’agit pas de suivre une mode, mais de connaître les mécanismes du cerveau pour mieux concevoir les dispositifs pédagogiques. En ce sens, elles ne sont ni gadget, ni miracle, mais un puissant levier d’apprentissage durable, lorsqu’on les prend au sérieux.